juin 26, 2022 0 Comments
Initialement prévu le 14 juin dernier, le premier renvoi forcé de réfugiés et de demandeurs d’asile vers le Rwanda par le gouvernement britannique marque un chapitre sombre dans l’histoire des droits des réfugiés. Si l’avion n’a finalement jamais quitté le tarmac suite à des recours en justice déposés à la dernière minute, et une décision en urgence de la Cour européenne des droits de l’homme, Boris Johnson reste déterminé à faire aboutir son projet. Sophie McCann, responsable du plaidoyer chez MSF Royaume-Uni réagit à la mise en place d’une telle politique.
Renvoyer de force celles et ceux qui cherchent la sécurité, n’importe où ailleurs qu’au Royaume-Uni, est honteux, dangereux et constitue une occultation des responsabilités de ce pays en ce qui concerne les problématiques migratoires.
Au lieu de favoriser les démarches de ces personnes vulnérables, le Royaume-Uni leur ferme toute opportunité d’accéder à une vie meilleure. La loi sur la nationalité et les frontières récemment adoptée a rendu presque impossible toute demande d’asile. Elle stipule qu’une personne ne peut déposer une demande qu’une fois arrivée sur le sol britannique, alors qu’il n’y a pratiquement plus aucun moyen de pénétrer dans le pays en toute légalité.
Une pratique abusive qui favorise l’apparition de troubles psychologiques
Nous observons une tendance mondiale de mise en place de politiques de refoulement et d’endiguement des flux migratoires. En procédant à des expulsions forcées, le Royaume-Uni provoque sciemment la misère et le désespoir, tout en encourageant d’autres pays à poursuivre ce travail de démantèlement des droits des réfugiés.
MSF a été témoin de telles souffrances sur l’île de Nauru, où l’Australie a adopté une politique similaire de renvois forcés et de ” détention offshore “, depuis 2012. Là-bas, 65 % de nos patients réfugiés et demandeurs d’asile avaient le sentiment de ne pas avoir de contrôle sur les événements de leur vie. Ces patients étaient significativement plus susceptibles d’avoir des tendances suicidaires ou de se voir diagnostiquer des troubles psychiatriques majeurs (dépression, anxiété et syndrome de stress post-traumatique).
Mineurs et victimes de torture sur la liste des ” expulsables “
Les survivants de torture et les enfants dont la minorité n’a pas été reconnue pourraient eux aussi être expulsés vers le Rwanda, ce qui les exposerait à de nouvelles souffrances. De plus, les méthodes d’évaluation de la minorité utilisées par les autorités ne sont pas claires. MSF soutient la position du Royal College of Paediatrics and Child Health, qui s’oppose à l’utilisation de tels examens médicaux et radiologiques. Ces derniers produisent des résultats inexacts quant à l’évaluation de l’âge et risquent, à tort, de classer des mineurs dans la catégorie des adultes, les empêchant ainsi de recevoir les protections et services appropriés auxquels ils ont droit, et les exposant à d’autres préjudices, y compris désormais à un déplacement forcé vers l’étranger.
En outre, certaines personnes devant être expulsées sont susceptibles d’avoir subi des tortures et des violences extrêmes et nécessitent des soins médicaux et psychologiques spécifiques. Contre avis médical, le Royaume-Uni n’hésite pas à les exposer à un nouveau traumatisme en les maintenant en détention et en les renvoyant de force au Rwanda, où l’on ignore s’ils pourront avoir accès à des soins adaptés. Cela aura des conséquences catastrophiques sur leur santé mentale et physique.
Les enfants non accompagnés qui arrivent en France ont subi des voyages longs, pénibles et souvent traumatisants, au cours desquels la violence est monnaie courante. Environ 87 % des enfants que MSF a pris en charge dans son centre à Pantin en 2018 ont dit avoir été battus, torturés ou abusés pendant leur parcours migratoire. Une fois en France, ils sont souvent contraints de vivre dans la rue, ou dans des abris de fortune et des camps dont ils sont régulièrement expulsés par la police.
La moitié des jeunes suivis par les psychologues MSF souffraient de stress aigu résultant des conditions d’insécurité et des dangers de la vie dans la rue. Le manque de protection et la précarité dans laquelle ils sont contraints de vivre augmentent les troubles psychologiques préexistants et favorisent l’apparition de nouveaux troubles.
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